jeudi 30 décembre 2010

Le four à pain de Umm al Kher...

Suleiman devant son four à pain

Ce four à pain est vieux de 30 ans. Il ne fonctionne non pas au bois ou au gaz (cela coûte trop cher), mais en brûlant les crottes des chèvres. C'est écologique, économique et ça ne sent absolument rien! Et il paraît que c'est cela, le secret du goût magique de leur pain si délicieux!

Ce four à pain nourrit environ 80 personnes tous les jours. Le pain est la base de tous les repas chez les bédouins.

Seulement voilà: les colons se sont plaints que leurs enfants tombent malades et cela à cause du four. De plus, ils prétendent que cela sent très mauvais. Eid, le fils de Suleiman (et également notre contact dans le village), de bonne volonté, se dit prêt à démonter la structure si l'armée leur fournit un four à gaz et que le village soit approvisionné gratuitement en gaz tout au long de l'année. L'ordre de démolition du four date du 1er novembre 2010, tout comme l'ordre de démolition des toilettes (un trou avec 4 pans de mur autour). L'affaire est défendue par un avocat et suit actuellement son cours...

mercredi 29 décembre 2010

Umm al Kher...

Umm al Kher est un petit village bédouin situé sur les contreforts d'une colline au sud-est de Yatta (sud d'Hébron, cf.cartes en fin de blog). Le village est composé de 21 familles qui ont été expulsées du désert du Néguev en 1948. Après des années d'errance, ces bédouins se sont installés à Umm al Kher dans les années 70. Ce sont majoritairement des bergers qui vivent de la vente de lait de chèvre et de peaux de mouton. Ils élèvent également des poules et poulets pour leur consommation personnelle. Ils vivent pour la plupart dans des tentes dont les fondations sont en béton. Certains ont une petite maison (1 pièce). Ils vivent dans une pauvreté extrême. Le village n'est pas relié au réseau électrique, mais par chance, l'association israélienne Ta'yyoush y a installé des panneaux solaires (comme dans de nombreux autres villages bédouins). Quand à l'eau, il y a un puits situé à quelques mètres du village, mais malheureusement, l'accès y a été interdit... Pourquoi? Parce que dans les années 80, une colonie du nom de Carmel s'est installée au sommet de la colline... et c'est à partir de ce moment-là que les ennuis ont commencé...

Eid Suleiman devant le nouveau quartier de la colonie Carmel.

En 1981, la colonie a confisqué 40 dunam (40'000m2) de terrain aux paysans de Umm al Kher. Au plus près, il y a moins de 20 mètres entre Umm al Kher et la première maison juive. Alors que la colonie s'étend, le village se réduit comme peau de chagrin. En 2008, la construction d'un nouveau quartier a « mangé» 50 dunam (50'000m2) de terres et pâturages palestiniens. Actuellement, la colonie compte environ 70 familles, mais les constructions en cours montrent de toute évidence que leur nombre va grandir. Certes, les toutes nouvelles maisons sont toujours vides, 6 mois après leur achèvement, mais « cela ne va pas durer. On a l'habitude. C'est une tactique des colons. C'est pour qu'on ait le temps de s'habituer... Mais jamais on ne pourra s'habituer à ce que des inconnus nous volent notre terre! » (Eid Suleiman).

La proximité de la colonie engendre de nombreux problèmes. Au quotidien, ce sont les jets de pierres contre les tentes et maisons des Palestiniens. Ils visent également les animaux. Lorsque les bergers sortent leurs moutons et chèvres pour aller dans les champs (qui sont leur propriété!), les colons sortent leurs armes et leur tirent dessus. Si un Palestinien, même un enfant, s'approche un peu trop près de la colonie, pourtant « protégée » par des barbelés, les soldats arrivent immédiatement sur place et l'arrêtent, utilisant le prétexte qu'il lançait des pierres sur les colons. Un jour, une chèvre est restée coincée dans les barbelés. La bergère a voulu la libérer, mais un colon n'a pas apprécié et lui a tiré dessus. Heureusement, la balle n'a fait que frôler son oreille... Néanmoins, depuis ce jour, elle n'ose plus sortir de chez elle. D'ailleurs, plus aucun habitant de Umm al Kher ne va plus dans les pâturages avec ses bêtes. « Chaque fois qu'un colon nous tire dessus, ce sont nous, les Palestiniens, qui devons aller au poste de police (à Quiriat Arba, Hébron) pour un interrogatoire qui dure des heures. Les colons avec leurs armes peuvent rester au chaud dans leur maison. Ils n'ont pas à se justifier de leurs actes. Pour la police, c'est toujours notre faute... » (Eid Suleiman).

Le problème est le même pour l'accès à l'eau, vitale. Il y a bien un puits à Umm al Kher, mais il a été réquisitionné par les colons pour la gigantesque usine d'élevage de poulets située à 100m de là. Les villageois ont maintenant accès à une citerne, à près de 400m en contrebas du village. Les femmes passent leur journée à remonter de l'eau jusqu'au campement à l'aide de mulets. De plus, c'est le garde de la colonie qui contrôle l'accès à l'eau pour les Palestiniens. Il est arrivé que le village soit privé d'eau pendant 15 jours consécutifs...

En plus du harcèlement quotidien de la part des colons, des soldats et partiellement de la police, le petit campement de Umm al Kher doit faire face à la politique israélienne appliquée dans la zone C. Tout ce qui est construit sans permission peut être à tout moment détruit par les bulldozers. « Nous avons déjà eu des dizaines d'ordres de démolition, mais nous reconstruisons à chaque fois. Nous n'avons pas le choix, c'est notre terre. » (Eid Suleiman). Les permis de construire ne sont délivrés que dans 4% des cas... Et quand on parle de construction, il peut s'agir d'une simple cage à poules...

Et dire que Umm al Kher veut dire « Mère de la Liberté »...

mardi 28 décembre 2010

1ère nuit à Susya...

Voici Hadji Sara, d'un âge certain et un fort caractère (photo: anne skaardal)

Pour pouvoir être au plus près de la population, nous passons au moins 3 jours et 2 nuits par semaine dans les villages - campements au sud de Hébron. Avec ma collègue et amie Anne, nous nous souviendrons longtemps de notre première nuit à Susya...
A notre arrivée, le village était un peu anxieux et scrutait l'horizon, car sur la colline d'en face, à moins de 500m, se trouve la colonie Suseya, protégée par des soldats israéliens. Les militaires étaient anormalement actifs et nombreux. Notre personne de contact dans le village, Nasser, 40 ans, passait des coups de téléphone à tous les villages aux alentours pour les avertir. Toute la journée nous sommes restés sur nos gardes, mais rien ne se passa.
Nous avons joué au foot et à la lutte (sport très populaire en Palestine) avec les enfants, pris des leçons d'arabe et donné des cours d'anglais et surtout nous avons bu beaucoup de thés lors des visites aux familles. A cause de la langue, nous sommes restés avec les hommes, car seul Nasser parle bien l'anglais. Nous avons mangé avec eux, pendant que les femmes restaient dans la cuisine à nous regarder manger... Un peu embarassant, surtout que plus tard nous avons appris qu'elles mangent après nous les restes du repas... Si on avait su, on aurait peut-être moins mangé... Notre repas? Du pain fait maison avec des olives et du thon que nous avions apporté. A 20h, nous sommes allées nous coucher, avec un simple tapis de paille tressée sur un sol en béton en guise de matelas. Heureusement que nous avions apporté nos sacs de couchage car il fait froid durant la nuit sous une tente sans porte!

Nous nous endormons difficilement, nous avons un peu peur d'être attaquées par les colons car ils le font généralement la nuit. A 3h du matin, alors que nous dormions profondément, nous sommes réveillées par des cris. Naïvement, nous pensons que c'est l'heure de partir à l'école et que ce sont les enfants qui crient... Un peu mieux réveillée après 2 minutes, on comprend qu'il se passe quelque chose de grave. En pyjama (plus ou moins), accompagnées de quelques hommes, nous nous mettons à courir à travers les champs à la lumière des lampes frontales sans savoir ce qui se passe et où nous allons. Nous arrivons au campement de Hadji Sara, femme de tête de près de 80 ans. Sa tente ainsi que 2 autres sont en feu! On essaie de l'éteindre, mais sans eau, ce n'est pas évident, ce d'autant plus qu'un fort vent soufflait cette nuit-là. Les hommes du village essaient de l'éteindre avec des couvertures et les réserves de lait... Après 30 minutes, le camion de pompiers arrive, mais il est trop tard, tout a brûlé...

Une des trois tentes qui ont brûlé... 3h du matin...

La police israélienne arrive à son tour afin de déterminer ce qui s'est passé. Il est 4h du matin. Pourquoi la police israélienne alors que nous sommes en Palestine? Parce que le village se trouve en zone C, contrôlée totalement par les Israéliens. Après 1h de palabres, accompagné d'un thé chaud autour d'un feu de camp improvisé au milieu des champs, la police décide de revenir le lendemain pour collecter des preuves. Hadji Sara est sûre d'avoir vu quelqu'un s'enfuir en courant de sa tente vers une voiture. Elle accuse clairement un colon d'avoir mis le feu aux tentes. C'est déjà la 3e fois en 1 an... Il est 5h du matin, nous décidons de retourner nous coucher et de revenir le lendemain pendant l'enquête.

Le lendemain, la première chose qu'Hadji Sara nous demande est si nous avons filmé l'incendie (ce que nous avons évidemment fait). C'est très important pour elle car elle peut utiliser les images pour porter plainte. Elle souhaite aussi que nous diffusions ces images sur internet car elle veut que le monde entier sache ce qui se passe en Palestine.


Hadji Sara devant ses tentes détruites, accompagnée d'enquêteurs israéliens.

La police d'investigation arrive après quelques minutes et là, on se croit en plein NCIS! Des agents avec lunettes noires, une mallette à la main, des gants, des pinceaux à empreintes, des masques etc... alors que l'on est perdu au milieu des champs! Surréaliste! 

Après avoir assisté à l'interrogatoire de Hadji Sara, nous appelons le CICR afin qu'ils fournissent au plus vite (le jour même, très efficace!) des tentes et de la nourriture pour Hadji Sara et sa famille.

Nous ne saurons jamais ce qui s'est vraiment passé cette nuit là... Pour Hadji Sara et les habitants du village, cela ne fait aucun doute, il s'agit bien d'une attaque d'un colon... Pour la police, après enquête, le feu a pris dans la tente abritant la cuisine et un fort vent soufflait cette nuit-là. Une braise aurait pu reprendre...

samedi 25 décembre 2010

Susya...

Susya est un petit village "bédouin" au sud de Yatta (south Hebron's Hills) (cf. cartes en fin de blog). "Bédouin" car en fait un certain nombre de ces villageois ont une maison à Yatta. Ils vivent à Susya car ils doivent occuper leurs terres, sinon celles-ci sont confisquées par les Israéliens. En effet, la loi spécifie que toute parcelle non occupée ou cultivée durant plus de 1 mois en zone C devient propriété israélienne...

Susya

Les Palestiniens habitant actuellement Susya vivaient à l'origine à Kirbet Susya. En 1984, les historiens y découvrent les vestiges d'une ancienne synagogue. Le site est déclaré Parc National en 1985 et une cinquantaine de familles palestiniennes sont expulsés en 1986. Ne sachant pas où aller et voulant rester près de leurs terres, ces familles s'établissent à 500m. de là, entre la synagogue et la colonie israélienne nommée Suseya, établie en 1982... C'est à partir de ce moment là que les ennuis avec les colons ont commencé.

Tout d'abord, les colons n'ont pas apprécié la présence toute proche des Palestiniens. Ils ont demandé une première expulsion en 1991. Durant la nuit, les soldats (IDF - Israeli Defense Forces) ont envahi le campement et ont embarqué les villageois sans que ceux-ci aient eu le temps de rassembler leurs affaires. Ils ont ensuite détruit les tentes et les grottes, mais les Palestiniens sont retournés sur leurs terres dès le lendemain. La deuxième expulsion, du même genre, a eu lieu en 1997. En 2001 a eu lieu la 3ème éviction. A chaque fois, la Cour Suprême a statué que les Palestiniens avaient le droit de retourner sur leurs terres. Depuis, Israël a changé de stratégie par rapport à Susya. Il n'est plus question de donner des ordres d'éviction, mais dorénavant la question qui se pose est la suivante: les Palestiniens ont-ils le droit de construire sur leurs terres? Susya est en zone C... Actuellement, Susya est protégée des ordres de démolitions grâce à un avocat qui a obtenu un gel jusqu'en 2013. Mais après...?

Depuis, 2001, les attaques des colons se sont intensifiées. Ceux-ci s'amusent à harceler les Palestiniens en attaquant par surprise durant la nuit, en volant leur bétail (celui-ci paît en toute liberté, il n'y a pas de barrière. Mais si un mouton franchit une certaine ligne imaginée par les colons, ceux-ci s'en emparent!), en coupant les oliviers, en versant l'eau des égoûts dans les cultures, etc... L'armée n'est pas en reste car régulièrement elle fait des descentes dans le campement et procède à des arrestations arbitraires.

Heureusement pour le campement, la communauté internationale a porté son attention sur celui-ci. Depuis 2005, les groupes activistes pour la paix et la défense des droits de l'homme, aussi bien internationaux que israéliens, se relaient quasiment jour et nuit afin de dissuader les colons d'agir. Et cela porte ses fruits la plupart du temps, fort heureusement...

Les habitants de Susya sont plus que heureux de rencontrer de nouvelles personnes qui peuvent les aider, en passant du temps avec eux. Vous ne savez pas où aller pour vos prochaines vacances...? La vie sur place y est spartiate mais, dans un sens, également fort agréable car totalement dépaysante pour un "Occidental" (ce terme étant totalement non approprié, mais compréhensible). La plupart des tentes ont un sol en béton, puis 6 pieux qui soutiennent la toile. Les tentes "de luxe" ont un tapis et une porte. Les Palestiniens disposent des matelas en carré pour faire le salon, ou en ligne pour transformer le tout en dortoir. Chacun dort tout habillé sous un couverture. La propreté n'est vraiment pas au rendez-vous, chacun entrant dans la tente avec ses chaussures pleines de crottes ou de boue, mangeant dans des plats posés à même le sol avec les poules et les chats...

Intérieur d'une tente...
 Ces familles n'ont pas accès à l'eau. Elles doivent donc l'acheter à Yatta et la transporter jusqu'à Susya. C'est une des raisons qui fait que les habitants boivent principalement du lait produit par leurs chèvres. Grâce aux panneaux solaires et à une petite éolienne offerts par une ONG israélienne, ils ont l'électricité. La cuisine se fait principalement au feu de bois et parfois au gaz, mais celui-ci est très cher. Ils ont donc mis au point un ingénieux système de récupération des excréments des animaux qui, par un processus de fermentation, se transforment en gaz biologique! Ils utilisent ensuite celui-ci pour cuisiner (et c'est parfaitement propre, sans odeur, je vous rassure...)! C'est très écologique! Et puis la mondialisation étant, comme son nom l'indique, mondiale, les téléphones portables et internet fonctionnent aussi, plus ou moins bien!

Et si vous souhaitez vous occuper des animaux (traire les chèvres, nourrir les chevreaux, poules et lapins, etc...) et voir de magnifiques couchers de soleil, Susya is the place to be!

Bachoukif fi Susya...?  On se voit bientôt à Susya...?



dimanche 19 décembre 2010

Cisjordanie: zone A, B, ou C ?

La Cisjordanie est divisée en 3 zones (selon les accords d'Oslo de 1994): A, B et C.

La zone A est entièrement sous contrôle civil et militaire palestinien.Comprend environ 4% de la Cisjordanie.

La zone B est sous contrôle civil palestinien mais sous contrôle militaire israélien. Concerne 27% de la Cisjordanie.

La zone C est entièrement sous contrôle civil et militaire israélien. Elle couvre près de 70% de la Cisjordanie.

En zone C, il faut un permis pour toute nouvelle construction / réparation ou culture / récolte, même sur sa propriété. Ces permis sont accordés dans 4 % des cas... S'il n'y a pas de permis, cela est considéré comme illégal par la loi israélienne. S'en suit un ordre de démolition ou d'éviction dans la plupart des cas.


(Photo tirée de: Atlas géopolitique d'Israel, F. Encel)


mercredi 15 décembre 2010

Pour avoir les idées claires...

Une carte d'Israël et des territoires palestiniens: Gaza Strip et West Bank (Cisjordanie)... Le district d'Hébron se trouve au sud (carré rouge):



Voici le district d'Hébron ainsi que la légende des différents signaux:

(Cliquer sur les photos pour agrandir)




Le nord de Hébron où se trouvent le village de Beit Ummar et le camps de réfugiés Al Arrub (en violet les colonies israéliennes):



Au sud de Hébron, la ville de Yatta, point de départ pour le South Hebron's Hills où se trouvent les villages de Susya, Umm al Kher et Dkaïka (en violet, les colonies israéliennes):