lundi 28 février 2011

Manifestation pacifique à Hébron...

Chaque année,  le 25 février, les Hébronites accompagnés de nombreux Palestiniens mais aussi d'internationaux et d'Israéliens, manifestent pour la réouverture de Shuhada Street (ou rue des Martyrs en hébreu). Shuhada Street fut la rue la plus commerçante de Hébron, comprenant près de 350 magasins, le marché aux légumes et la gare principale de la ville, entre autres... Elle est l'axe principale reliant le centre-ville et la mosquée ainsi que le souk, traversant ainsi toute une partie d'Hébron. Mais elle est également la rue le long de laquelle se situent les 3 colonies juives installées au coeur de la ville...

En 1994, Baruch Golstein, un colon juif américain habitant la colonie voisine de Kiriat Arba, ouvrit le feu sur la foule des fidèles musulmans qui priaient à la mosquée en ce jour de Ramadan. Il tua 29 Palestiniens et en blessa 200 autres avant d'être tué. Suite à ce massacre, et sous pression des colons juifs, le gouvernement israélien imposa un couvre-feu et la fermeture de l'artère principale de la ville, Shuhada Street.

Actuellement, Shuhada Street est située dans la zone sous contrôle israélien (séparation suite aux accords d'Oslo) et est totalement fermée aux Palestiniens, à l'exception d'une portion de 100m, gardée par un checkpoint à chaque bout. Cette portion permet aux écoliers Palestiniens de se rendre à l'école de Cordoba et aux Palestiniens qui habitent le quartier de rentrer chez eux sur la colline escarpée de Tel Rumeida, mais uniquement à pied, à vélo ou a dos de mulet, la rue étant réservée aux véhicules israéliens.

Les Hébronites demandent simplement la réouverture de cette rue (qui est devenue une rue fantôme) ainsi que des commerces, même si elle reste sous contrôle israélien.

La manifestation a lieu chaque année... Pour y avoir assisté en tant qu'observatrice, l'ambiance était vraiment bon enfant, pacifique, les gens heureux de se retrouver pour une cause commune, et tout le monde était calme. Mais à peine commencée, la manifestation a dégénéré suite à l'intervention immédiate de l'armée israélienne, tirant du gaz lacrymogène et des soundbombs sur les manifestants pacifiques... La manifestation avait pourtant été autorisée par les deux parties...

Voici une vidéo en anglais de CNN, sans commentaire...


dimanche 27 février 2011

Open Shuhada Street: manifestation à Hébron et dans le monde...

Autre vidéo sur la manifestation qui a eu lieu à Hébron en Cisjordanie le 25 février 2011. Le but est la réouverture de Shuhada Street.

On y voit également des images d'avant la fermeture de la rue, ainsi que des images des manifestations de soutien qui se sont déroulées à travers le monde le même jour...



dimanche 20 février 2011

Qanabi et Uwewe: deux familles du souk face aux colons

La famille Qanabi:
La famille Qanabi
Fatmah Qanabi vit dans une maison qui a été rénovée par le Hebron Rehabilitation Committee (HRC) en 2008. Celle-ci se situe dans le souk, à côté de la colonie Avraham Avinu. Fatmah a 4 enfants et elle est enceinte. L'un de ses fils est mort tué par balle alors qu'il jouait sur le toit de sa maison (n'oublions pas qu'ici le toit sert de terrasse et de chambre en été...). Le toit de la maison d'à côté est occupé par un poste de contrôle israélien. Lorsque nous sommes montés sur le toit afin d'avoir une meilleure vue sur la situation, les colons nous ont crié dessus en nous insultant et les soldats ont pointé leurs armes sur nous... Autant dire que la visite a été écourtée...

Bien que la maison ait été rénovée en 2008, des moisissures sont apparues dans toutes les pièces à cause de l'humidité. En effet, le toit doit être entretenu de manière régulière afin d'éviter ce problème mais personne n'est autorisé à y monter... Mme Qanabi a réussi à épargner une minuscule pièce de 6m2 où toute la famille s'entasse pour dormir. Mais elle a dû barricader ses fenêtres car les colons ont brisé tous les carreaux en jetant des pierres. En effet, il y a moins de 1m entre les 2 immeubles. Cette famille n'a pas l'argent pour réparer et de toute façon elle ne veut pas car les colons les casseraient à nouveau... Parfois, ceux-ci lancent aussi de l'urine ou du coca par la fenêtre. Son fils de 4 ans a perdu en partie la vue car les colons l'ont arrosé d'acide alors qu'il regardait par la fenêtre...



La famille Uwewe:

Mme Uwewe a 5 enfants. Elle vit également dans le souk et, comme Mme Qanabi, elle a pour voisin direct des colons. Elle a perdu 2 bébés, le premier en 2008 lorsqu'elle était enceinte, des colons l'ont battu car elle était sur le toit de sa maison (trop proche selon eux de leur habitation) et le deuxième en 2009 lorsqu'elle était en train d'accoucher, elle a appelé l'ambulance, mais celle-ci est restée bloquée au checkpoint. Les soldats ont dit à l'ambulancier que si c'était pour qu'il y ait plus de Palestiniens sur cette terre, c'était vraiment pas une urgence... Le bébé est mort... Lors de notre visite, elle avait accouché 1 mois auparavant. Elle est donc très fière de nous montrer son petit garçon...

La famille Uwewe

Mme Uwewe est une femme forte et elle refuse de ne plus monter sur son toit, où l'eau est stockée durant la saison sèche. Elle fait également visiter celui-ci aux touristes et ONGs...

(Cliquez pour agrandir)
Mme Uwewe sur son toit. En arrière plan, la colonie Avraham Avinu. Observez sur le réservoir d'eau en bas il y a 3 trous. Ce sont des balles tirées par les soldats afin de le rendre totalement inutilisable...

En 2008, des colons sont entrés dans sa maison durant la nuit par le toit. Ils ont mis le feu au premier étage, où la famille dormait... Depuis cet incident, des objets, de l'urine, de l'huile bouillante sont régulièrement jetés sur les enfants s'ils sont jugés trop proches de la colonie lorsqu'ils regardent par la fenêtre, jouent dans la cour intérieure ou montent sur le toit...


vendredi 18 février 2011

Al-Bwere: son hameau, ses vignes et... ses colons...

Al Bwere (cf carte en fin de blog: Al Bowereh au nord de la colonie Kiriat Arba, Hébron) est un charmant petit hameau composé d'une quinzaine de maisons. Celles-ci sont perdues au milieu des champs de citronniers, d'oliviers et de vignes que cultivent les Palestiniens afin d'assurer leur subsistance. Les raisins sont mangés frais, secs, en purée ou en pâtisseries (je vous rappelle que nous sommes en terre musulmane où l'alcool est interdit...).





L'essentiel de notre travail à Al Bwere consiste à accompagner les enfants sur le chemin de l'école et à visiter les familles.
EAPPI accompagnant les enfants à l'école, le long de la barrière de sécurité de Givat Harsina



Visite de famille


Vue de l'unique pièce constituant cette maison palestinienne

Cela est-il le moment "détente" de notre travail à Hébron? Pas vraiment... Tout au long de ce petit paradis se situe la colonie Givat Harsina... Nous accompagnons les enfants qui doivent emprunter la route qui longe la colonie pour se rendre à l'école. Il arrive fréquemment que des enfants colons se cachent derrière les arbres et jettent des pierres sur les Palestiniens...

Au milieu du hameau se trouve un "outpost" occupé par trois familles juives... Un outpost est un poste d'avant-garde, autrement dit ce sont des familles pionnières qui viennent s'installer sur un terrain non aménagé. Il n'y a ni eau ni électricité et les familles habitent dans des caravanes, mobilhomes ou cabanes. Petit à petit, l'outpost se développe et devient, après quelques années, une nouvelle colonie. Généralement, un outpost est situé au sommet d'une colline afin de dominer, physiquement et psychologiquement, les Palestiniens qui vivent plus bas. 

Vignes avec en toile de fond la colonie Givat Harsina

Mitzpe Avihai outpost

A Al Bwere, l'outpost Mitzpe Avihai a été déclaré illégal par les autorités israéliennes. Il a déjà été détruit 6x depuis 2008. La dernière fois remonte au 9 février 2011. L'armée israélienne a débarqué au milieu de la nuit avec deux bulldozers et a tout démoli.

Mitzpe Avihai après démolition
Des colons récupèrant des meubles

Une colon juive nourrissant son bébé parmi les décombres de sa cabane

Le lendemain, les colons de Mitzpe Avihai et des renforts venus de Givat Harsina se sont vengés en attaquant les maisons palestiniennes voisines, qui n'ont pourtant rien à voir avec cette décision. Ils ont mis le feu aux champs, coupé des plants de vignes et d'oliviers, lancé des pierres contre les fenêtres...

Vitre brisée à la suite d'un jet de pierre

Olivier coupé

Le surlendemain, comme à chaque fois, les colons ont commencé à reconstruire leurs maisons... au même endroit.






C'est le quotidien d'Al Bwere, son hameau, ses vignes et ses colons...





vendredi 4 février 2011

Sderot - Gaza... au-delà de la frontière

Sderot est une ville israélienne située à 1km de la bande de Gaza et de Beit Hanun et à 3km de Gaza City. Près de 20'000 personnes y habitent, malgré la situation géographique de la ville et son histoire...


En effet, Sderot a toujours été une cible privilégiée des roquettes tirées depuis Gaza. Depuis l'an 2000, entre 5'000 et 8'000 missiles sont tombés sur Sderot et ses alentours... Lors de la pire période, en 2008, jusqu'à 20 roquettes par jour avaient pour cible la ville. A cette période, près de 15% de la population a fui, notamment pour Ashkelon (où finalement la situation n'était pas meilleure...). A l'heure où est écrit cet article, des missiles tombent encore ponctuellement sur la ville...


Afin de se protéger, les habitants, aidés du gouvernement israélien, construisent à tour de bras des abris anti-missiles dans toute la ville: annexes de logements, abri-bus, bunkers, places de jeux, écoles, "couvercles protecteurs" sur les centres commerciaux. Des hauts-parleurs sont répartis dans toutes les rues afin de donner l'alerte: "Red Alert, Red Alert!" suivi d'une sirène stridente. A partir de cet instant, la population a entre 15 et 20 secondes pour tout abandonner et se mettre à l'abri...

Annexes anti-missiles (en gris) de logements


Abribus anti-missiles

Bunkers dans la cour de récré d'une école (navrée pour la qualité de la photo prise depuis un bus en train de rouler...)

Place de jeux


Ce serpent anti-missiles fait près de 25m de long et peut protéger jusqu'à 80 enfants

Entre Sderot et Gaza Strip se trouve une zone de no man's land de près de 500m suivi d'une zone à haut risque.

Le no man's land

Gaza City
La bande de Gaza est habitée par 1.5 millions de personnes réparties sur un territoire de 360km2 (41km de long, entre 6 et 12km de large). Il y a deux points de passage (checkpoints) pour les personnes, 1 au nord et un au sud à la frontière avec l'Egypte (Rafah CP). Seuls les humanitaires et les Palestiniens ayant un pemis spécial pour raison médicale (très difficile à obtenir) sont autorisés à les traverser. Il existe 2 autres points d'entrée, uniquement réservés aux marchandises. Selon notre contact de l'association Other Voice à Sdérot (othervoice.org, association visant le rapprochement des 2 communautés dans la région), près de 1600 tunnels illégaux passeraient sous la frontière. Environ 100 camions par jour apportent des vivres et des biens (mais les matériaux de construction sont interdits). L'économie à Gaza est complètement arrêtée, la population n'a pas de quoi acheter les biens importés. Le seul échange de marchandises consiste à exporter des fleurs et des fraises...

mercredi 2 février 2011

Al-Arrub refugee camp

Voici Al-Arrub, situé à 15km au sud de Bethlehem. La première impression en apercevant Al-Arrub est que c'est un village comme un autre... Cependant, il n'en est rien, car il s'agit d'un camp de réfugiés établi en 1949 par l'UNRWA sur les terres léguées par le gouvernement jordanien.

Une des deux rues principales de Al-Arrub Camp

Pourquoi l'établissement de ce camp? Voici la raison:

En 1920, une organisation clandestine sioniste, la Haganah, est formée. Elle se voulait être une protection pour les Juifs qui émigraient en Palestine. En 1948, lors de la création d'Israël, elle se transforme en véritable armée (après 1948, la Haganah va s'allier avec deux autres groupes de moindre importance pour former Tsahal, l'actuelle force de défense d'Israël). En 1948, la Haganah attaque, envahit ou détruit des villages entiers qui se trouvent sur le territoire du nouvel Etat. Près de 725'000 Palestiniens doivent prendre la fuite ("la Nakba"). L'UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), créée pour répondre aux besoins de cette population devenue sans domicile, ouvre des camps de secours. D'abord prévus comme refuges temporaires pour une période de 2 mois, ces camps sont devenus permanents...

Selon la définition de l’UNRWA, un « réfugié de Palestine » est une personne dont le lieu de résidence habituelle était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit israélo-arabe de 1948. La définition de réfugié de l’UNRWA couvre également les descendants des Palestiniens qui sont devenus des réfugiés en 1948.

Al-Arrub est actuellement habité par plus de 10'500 Palestiniens provenant originellement de 37 villages situés entre Ramallah, Gaza et Hébron et s'entassant sur un terrain de 1 km2...

Les noms des 37 villages dont sont issus les réfugiés sont inscrits sur ce mur.
Le camp est composé de 4 écoles (2 pour les filles, 2 pour les garçons), 1 petit magasin, 1 clinique avec 2 infirmières, 1 centre de rencontre pour les femmes, 1 centre pour enfants (près de 300 d'entre eux participent à des activités comme le dessin, le chant, la musique, les droits de l'homme, la démocratie, le théâtre, faire des documentaires, etc...). Le CICR et Médecins Sans Frontières y ont un office. L'UNRWA y a également un centre de distribution de nourriture et un centre de santé. 45% de la population a moins de 14 ans et il y a 30% de chômeurs... Les problèmes techniques majeurs sont le chômage, les écoles surpeuplées, un réseau d'égouts inefficace voire inexistant et les incursions des soldats durant la nuit.



2 exemples de problèmes rencontrés dans le camp: les enfants collaborateurs et les ordres de démolition.

Un des problèmes majeurs, comme cité précédemment, sont les incursions nocturnes des soldats. Ceux-ci pénètrent dans les maisons par les fenêtres et arrêtent sommairement les enfants, principalement âgés entre 10 et 14 ans. Ils sont emmenés au poste et parfois violés... Les soldats abusent d'eux dans le but de les dominer et de les rendre dociles, car ils ont peur que cela recommence. Il est ensuite demandé aux enfants de fournir des renseignements, des noms ou d'espionner des gens. Les soldats les récompensent avec de petites sommes d'argent. Ces enfants ont non seulement peur des soldats, mais ils ont également peur que leur famille découvre ce qu'ils font car ils risquent fortement d'être exclus de la communauté car ils sont devenus des collaborateurs de l'armée israélienne... Dans le camp, afin de lutter contre ce fléau, le Children Center organise des rencontres, monte des films ou joue des pièces de théâtre dénonçant ces pratiques et éduquant les enfants à résister et à se protéger... C'est aussi un centre d'accueil pour les enfants ex-collabos...

Un enfant interprétant son propre rôle d'enfant palestinien.
Un autre problème rencontré dans le camp est le nombre d'ordres de démolition en cours. En effet, en 1948, le camp était composé de tentes. En 1965, la situation étant inchangée et le camp devenant manifestement permanent, l'UNRWA a remplacé les tentes par des maisons comprenant 2 pièces et 1 cuisine par famille. Mais celles-ci se sont agrandies avec le temps et ces logements sont devenus trop exigüs. Les familles qui en ont les moyens ont acheté le terrain à côté de leur maison et y ont bâti des annexes. Mais le problème est que le camp se trouve en zone C, sous contrôle total des Israéliens et qu'il est interdit de bâtir sans permis (accordé dans 4% des cas seulement...). Près de 24 ordres de démolition sont en cours, tout cela suivi par un avocat bénévole.


Voici Sofia, 94 ans, qui a passé 61 années de sa vie dans ce camp... Elle y vit depuis 1949 avec sa soeur Zaineb, 78 ans.


Sofia et sa soeur vivaient paisiblement dans le village de Araq Al Manishia, (devenu la colonie israélienne Qiriat Gat), près de Hébron. "Avant 1948, les relations avec les Israéliens étaient très bonnes, il n'y avait pas lieu de faire de différence. Tout a changé en 1948 lorsque l'armée entrait dans le village avec des tanks, lançait des roquettes, pénétrait dans les maisons durant la nuit, volait les objets de valeur puis y mettait le feu... Nous avions tous très peur... Beaucoup de gens ont été tués, dont nos parents... Nous avons fui pour sauver notre vie." "Lorsque nous sommes arrivées dans ce camp, nous pensions que c'était temporaire, pour 1-2 mois. Nous avons compris que ce serait notre future demeure après 6 mois. Mais jamais je n'aurais pensé y passer le restant de ma vie... Je ne souhaite qu'une seule chose, c'est pouvoir revoir mon village et y être enterrée..." (Sofia).