lundi 31 janvier 2011

Planting Tree's Day à Umm al Kher...

Les terres valonnées aux alentours de Umm al Kher servent de pâturages pour les moutons et les chèvres, mais sont aussi utilisées, quand cela est possible, comme terrains agricoles. Elles appartiennent à Umm al Kher, les villageois ayant un titre de propriété, mais actuellement le cas est en procès afin de déterminer si les colons ont des droits sur celles-ci ou non.



Le 21 janvier est le traditionnel "Planting a tree Day" en Israël. Ce jour-là, les colons ont pris possession d'une colline située juste à côté de la colonie Carmel et en face du village de Umm al Kher. Une cinquantaine de colons de tout âge, hommes et femmes, se sont installés, avec leurs nombreux enfants, sur la colline. Ils ont planté une vingtaine d'oliviers, "protégés" par une trentaine de soldats formant une barrière entre le village et la colline, ceci "pour des raisons de sécurité militaire". Après avoir planté les arbres, ils ont organisé un barbecue sur les lieux-mêmes...




Peu après, le responsable de la sécurité de Carmel est venu poser un panneau "interdiction" à l'entrée du chemin qui mène au sommet de la colline.




A partir de cet instant, les bergers de Umm al Kher n'ont plus le droit de faire paître leurs troupeaux à cet endroit. Mais comme l'explique Eid Suleiman, "c'est un gros problème, car même si nous avons suffisamment de terres pour faire paître nos bêtes plus loin, lorsque nous rentrons le soir avec celles-ci, elles connaissent le chemin du retour, et celui-si passe par la colline... Il est impossible de leur faire prendre un autre chemin, celui-ci est dans leurs veines...".

Cet agneau est né le jour où même les moutons ont perdu leur liberté...

"J'ai terriblement peur que les colons tirent sur nos moutons et déciment les troupeaux...". "C'est un nouveau coup dur pour le village et je suis fatigué de tout cela, si fatigué..." (Eid).



NB: Je n'ai pas pu prendre de photos lors de la plantation des arbres car les soldats m'en ont empêchée... Quelque chose à cacher...?


vendredi 21 janvier 2011

Souk fermé après la prière...

En ce jour de prière pour les musulmans (nous sommes vendredi), les ruelles du souk de Hébron sont bondées. Chacun marche d'un pas rapide en direction de la Mosquée Ibrahim, située à l'autre extrémité du souk. La prière commence à 11h et se termine à 12h30.
A la fin de la prière, relayée par hauts-parleurs durant tout ce temps, les musulmans rentrent chez eux afin de fêter ce jour avec un bon repas, traditionnellement du poulet avec du riz mélangé à des choux-fleurs. Les femmes le préparent pendant que les hommes sont à la Mosquée.
Ce 21 janvier, les soldats israéliens ont décidé de fermer la sortie nord du souk (Bab-al-Baladya square), par lequel tout hébronite non juif doit obligatoirement passer pour rentrer chez lui. Il est 13h. Il y a déjà 20 personnes qui attendent, dans le calme.

Entrée nord du souk. Les soldats stoppent les Palestiniens.

Les organisations internationales (CPT- christian peacemakers team - et EAPPI) présentes à Hébron essaient d'ouvrir le passage et tentent également de comprendre ce qui se passe, mais les soldats font la sourde oreille et, comme d'habitude, sortent le refrain "I don't speak english"... Un moment plus tard, l'un d'entre eux me dit (tiens, il parle anglais maintenant!) qu'apparemment ils auraient vu un Palestinien armé, tirer en l'air en direction d'une colonie. Un autre me dit qu'un Palestinien a été tué... Etant sur place dès le début des opérations, je sais que cela n'est pas vrai... Le nombre de personnes souhaitant sortir du souk afin de rentrer à la maison va grossissant, maintenant, près de 60 personnes sont présentes, les esprits s'échauffent...


Des soldats arrivent en renfort. Ils ne laissent passer personne, excepté les internationaux, ce qui est d'autant plus injuste et énervant pour nous! Après 1h d'attente, les gens tentent de forcer le passage ou de trouver un autre chemin. Une partie des soldats court en direction d'une autre entrée, nous les suivons, pour découvrir qu'ils retiennent également les Palestiniens. La première arrestation ne se fait pas attendre lorsque l'un d'entre eux proteste un peu trop fort. Il s'agit de Mahmud, qui doit se rendre à l'hôpital avec son grand-père, présent dans le souk, car celui-ci est âgé et a un problème à la jambe ce qui fait qu'en plus, il ne peut pas rester debout à attendre des heures...

Mahmud, 15 ans


Vers 14h30, non sans avoir arrêté un deuxième Palestinien, les soldats se décident enfin à ouvrir le souk et à libérer les gens...

Ahmed, 16 ans


Remarquez sur ces 4 dernières photos que lors de l'arrestation des deux jeunes hommes, ils ont les mains menottées, mais leurs yeux ne sont pas bandés. Par contre, dès lors qu'ils sont en zone militaire derrière la porte (les photos sont prises à main levée), les soldats leur bandent les yeux...

Mahmud, 15 ans, sera relâché dans l'heure, non sans avoir été interrogé et battu par les soldats...
Quand à Ahmed, 16 ans, il sera libéré 2 jours plus tard avec une amende de 4000 NIS (1200.- CHF).

Le lendemain, je vais demander aux soldats ce qui s'est passé. Ils me répondent qu'ils s'agissait en fait d'un exercice! Selon les Palestiniens travaillant dans le souk, cette manoeuvre vise à dissuader les Hébronites de se rendre à la Mosquée le vendredi et que ce genre d'opérations allait se répéter à l'avenir...

dimanche 16 janvier 2011

Dkaïka...

Dkaïka est situé dans les South Hébron's Hills, au sud d'Umm al Kher (cf. cartes en fin de blog). C'est un petit campement bédouin paisiblement installé à l'entrée du désert du Néguev, tout proche de la Greenline qui sépare la Cisjordanie d'Israël. Il est composé d'environ 300 habitants, dont 60 enfants scolarisés.

Le matin du 12 janvier, alors que les enfants étaient à l'école et que les familles vaquaient à leurs occupations quotidiennes, l'armée, une centaine d'hommes, a débarqué avec 4 bulldozers et a détruit 7 "maisons", 1 étable et 1 salle de classe de l'école primaire Gayya. Au total, 46 personnes et 10 écoliers se sont retrouvés sans toit.

Les soldats ont arrêté 2 professeurs qui essayaient de sauver les pupitres et les livres scolaires...

(photo:anne skaardal, EAPPI)

Une des femmes du village, Hamdah Najadah, raconte: " 2 policiers m'ont attrapée par le bras alors que je voulais entrer dans ma maison afin de prendre quelques affaires et sauver les meubles. Je n'ai rien pu prendre. Ils ont tout détruit, même le café, le sucre et la farine... Où allons-nous dormir? C'est l'hiver et la saison des pluies arrive... Que Dieu nous garde...!".


Une femme cherchant des objets à sauver parmi les décombres de sa maison...

Les villageois ont reçu une notification d'ordre de démolition 1 mois auparavant, mais rien n'était précisé quand à la date et quelles maisons allaient être détruites...

La 4ème Convention de Genève stipule: "Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l'Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires" (art.53).

Lorsque l'on se rend à Dkaïka, on ne comprend pas... C'est un village perdu au milieu de nulle part, il n'y a strictement rien aux alentours, pas de colons à protéger, pas de terres à cultiver, rien. Les habitants sont pauvres et vivent sans eau ni électricité. Qu'est-ce que l'armée vient faire ici? Pourquoi persécuter ces gens? C'est tout simplement incompréhensible et révoltant...




Fort heureusement, le CICR a rapidement envoyé du matériel sur place: des tentes et de la nourriture!

Nous sommes retournées sur place 4 jours plus tard...
Les enfants du primaire inférieur suivent les cours dehors, lorsqu'il fait beau comme aujourd'hui... Quand il fait trop froid, ils s'entassent avec les autres élèves dans les 3 salles de classe qui sont restées intactes. Ils suivent les cours avec en toile de fond leur classe détruite et les plaines désertiques du Néguev...



mercredi 12 janvier 2011

Ahmed, un paysan privé de ses terres...


Voici Ahmed, 47 ans, marié et père de 5 filles et 3 garçons, âgés de 19 ans à 5 mois.

Ahmed vit à Beit Ummar, au nord d'Al Khalil (Hébron). Beit Ummar est situé majoritairement en zone C (seule l'entrée du village est en zone A). La zone C est sous contrôle militaire et civil israélien. Cela signifie qu'il faut un permis pour toute nouvelle construction ou exploitation.
Il est paysan-cultivateur, tout comme son père et son grand-père et les générations précédentes. Ses champs se trouvent à proximité de sa maison et de la colonie de Beit Hayn. Cette colonie, illégale, a été fondée en 1988 et est composée de près de 300 personnes. Les colons qui y vivent ont la particularité de refuser toute présence militaire ou policière israélienne dans leur village (!) ainsi que la construction d'un mur de séparation. Ceci non pas par égard pour les Palestiniens, mais parce qu'ils veulent être libres de leurs mouvements et ainsi pouvoir étendre leur colonie sans être entravés par une barrière...

Vue depuis la terrasse de Ahmed: 1er plan: ses terres, 2è plan: la colonie...

Avant 1967, la famille de Ahmed possédait des terres sur près de 160 donums (1 donum = 1000m2). Actuellement, ses terres s'étendent sur 67 donums, le reste étant réquisitionné de force pour la colonie. La seule source d'eau disponible pour arroser les terres se trouve maintenant dans la colonie. Ahmed ne peut compter que sur la pluie pour que son exploitation soit viable. Mais même s'il pleut, ce qui est rare (nous sommes pourtant à la saison des pluies), les cultures sont menacées chaque jour par les déchets des égouts que les colons déversent intentionnellement sur celles-ci. De plus, le revenu, et donc la survie de la famille dépend du résultat des récoltes. Le problème est que les colons ainsi que les soldats ne laissent pas Ahmed cultiver ses champs. Il est censé demander un permis d'exploitation à Israël (accordé dans 6% des cas...). Mais il refuse, tout comme les autres paysans de Beit Ummar, car cela reviendrait à accepter que ces terres appartiennent désormais à Israël...
Ahmed a été arrêté 10x, la dernière remontant à 5 mois. Il essayait simplement de rejoindre ses champs pour les cultiver...