Voici Al-Arrub, situé à 15km au sud de Bethlehem. La première impression en apercevant Al-Arrub est que c'est un village comme un autre... Cependant, il n'en est rien, car il s'agit d'un camp de réfugiés établi en 1949 par l'UNRWA sur les terres léguées par le gouvernement jordanien.
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Une des deux rues principales de Al-Arrub Camp |
Pourquoi l'établissement de ce camp? Voici la raison:
En 1920, une organisation clandestine sioniste, la Haganah, est formée. Elle se voulait être une protection pour les Juifs qui émigraient en Palestine. En 1948, lors de la création d'Israël, elle se transforme en véritable armée (après 1948, la Haganah va s'allier avec deux autres groupes de moindre importance pour former Tsahal, l'actuelle force de défense d'Israël). En 1948, la Haganah attaque, envahit ou détruit des villages entiers qui se trouvent sur le territoire du nouvel Etat. Près de 725'000 Palestiniens doivent prendre la fuite ("la Nakba"). L'UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), créée pour répondre aux besoins de cette population devenue sans domicile, ouvre des camps de secours. D'abord prévus comme refuges temporaires pour une période de 2 mois, ces camps sont devenus permanents...
Selon la définition de l’UNRWA, un « réfugié de Palestine » est une personne dont le lieu de résidence habituelle était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit israélo-arabe de 1948. La définition de réfugié de l’UNRWA couvre également les descendants des Palestiniens qui sont devenus des réfugiés en 1948.
Al-Arrub est actuellement habité par plus de 10'500 Palestiniens provenant originellement de 37 villages situés entre Ramallah, Gaza et Hébron et s'entassant sur un terrain de 1 km2...
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Les noms des 37 villages dont sont issus les réfugiés sont inscrits sur ce mur. |
Le camp est composé de 4 écoles (2 pour les filles, 2 pour les garçons), 1 petit magasin, 1 clinique avec 2 infirmières, 1 centre de rencontre pour les femmes, 1 centre pour enfants (près de 300 d'entre eux participent à des activités comme le dessin, le chant, la musique, les droits de l'homme, la démocratie, le théâtre, faire des documentaires, etc...). Le CICR et Médecins Sans Frontières y ont un office. L'UNRWA y a également un centre de distribution de nourriture et un centre de santé. 45% de la population a moins de 14 ans et il y a 30% de chômeurs... Les problèmes techniques majeurs sont le chômage, les écoles surpeuplées, un réseau d'égouts inefficace voire inexistant et les incursions des soldats durant la nuit.
2 exemples de problèmes rencontrés dans le camp: les enfants collaborateurs et les ordres de démolition.
Un des problèmes majeurs, comme cité précédemment, sont les incursions nocturnes des soldats. Ceux-ci pénètrent dans les maisons par les fenêtres et arrêtent sommairement les enfants, principalement âgés entre 10 et 14 ans. Ils sont emmenés au poste et parfois violés... Les soldats abusent d'eux dans le but de les dominer et de les rendre dociles, car ils ont peur que cela recommence. Il est ensuite demandé aux enfants de fournir des renseignements, des noms ou d'espionner des gens. Les soldats les récompensent avec de petites sommes d'argent. Ces enfants ont non seulement peur des soldats, mais ils ont également peur que leur famille découvre ce qu'ils font car ils risquent fortement d'être exclus de la communauté car ils sont devenus des collaborateurs de l'armée israélienne... Dans le camp, afin de lutter contre ce fléau, le Children Center organise des rencontres, monte des films ou joue des pièces de théâtre dénonçant ces pratiques et éduquant les enfants à résister et à se protéger... C'est aussi un centre d'accueil pour les enfants ex-collabos...
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Un enfant interprétant son propre rôle d'enfant palestinien. |
Un autre problème rencontré dans le camp est le nombre d'ordres de démolition en cours. En effet, en 1948, le camp était composé de tentes. En 1965, la situation étant inchangée et le camp devenant manifestement permanent, l'UNRWA a remplacé les tentes par des maisons comprenant 2 pièces et 1 cuisine par famille. Mais celles-ci se sont agrandies avec le temps et ces logements sont devenus trop exigüs. Les familles qui en ont les moyens ont acheté le terrain à côté de leur maison et y ont bâti des annexes. Mais le problème est que le camp se trouve en zone C, sous contrôle total des Israéliens et qu'il est interdit de bâtir sans permis (accordé dans 4% des cas seulement...). Près de 24 ordres de démolition sont en cours, tout cela suivi par un avocat bénévole.
Voici Sofia, 94 ans, qui a passé 61 années de sa vie dans ce camp... Elle y vit depuis 1949 avec sa soeur Zaineb, 78 ans.
Sofia et sa soeur vivaient paisiblement dans le village de Araq Al Manishia, (devenu la colonie israélienne Qiriat Gat), près de Hébron. "Avant 1948, les relations avec les Israéliens étaient très bonnes, il n'y avait pas lieu de faire de différence. Tout a changé en 1948 lorsque l'armée entrait dans le village avec des tanks, lançait des roquettes, pénétrait dans les maisons durant la nuit, volait les objets de valeur puis y mettait le feu... Nous avions tous très peur... Beaucoup de gens ont été tués, dont nos parents... Nous avons fui pour sauver notre vie." "Lorsque nous sommes arrivées dans ce camp, nous pensions que c'était temporaire, pour 1-2 mois. Nous avons compris que ce serait notre future demeure après 6 mois. Mais jamais je n'aurais pensé y passer le restant de ma vie... Je ne souhaite qu'une seule chose, c'est pouvoir revoir mon village et y être enterrée..." (Sofia).